DUMONT Claudine
ANABIOSE, roman, roman, XYZ Éditeur, 2013, 162 pages
Un roman remarquable, une histoire époustouflante, originale, profonde. Deux personnages principaux, des intervenants invisibles. Un style d'écriture renversant, méticulleux, méthodique.
Une jeune femme est kidnappée, se retrouve en cellule seule pendant un mois. Elle a un matelas, un drain pour pisser, un ou deux pichets d'eau contenant une médication supervisée, pas de nourriture, un plafonnier servant davantage à l'espionner qu'à l'éclairer. Une vie intérieure forcée, intense, sans aucun moyen environnemental, de vue sur le monde extérieur. Un être isolé et contraint.
Au bout d'un mois elle se réveille avec un homme inconscient sur un matelas dans sa cellule. Cet homme a également été kidnappé et ne connaît pas ni raison ni le comment de cette transaction.
Il s'établit graduellement une relation à construire entre Emma et Julien, deux inconnus emprisonnés, immobilisés, contrôlés jour et nuit. Une relation de survivance forcée. Chacun s'occupe des blessures de l'autre à tour de rôle. C'est une question de survivre ou de dégénérer. Chacun trouve un ou des moyens pour survivre même dans une situation désespérée sans aucune vision de leur réalité. L'instinct naturel prend le dessus, le contrôle de la vie, de leur survie.
Ils se réveillent parfois sourd, parfois aveugle, parfois muet. Ils sont contrôlés par une puissance inconnue. Deux personnages, deux êtres à la merci d'une entité inconnue, sans doute une organisation puissante, élaborée qui gère leurs codes humains. Une entité qui gère leur vie en faisant des expériences sur le comportement humain, sur des insoumis, des hors norme, hors la loi.
Leur but, changer le comportement humain de l'intérieur en les séquestrant, en les isolant, en les immobilisant, en le reformant selon des objectifs comportementaux précis. Il ne faut pas résister, il faut se résoudre à de nouvelles normes de vie sociale: une boucle sans fin jusqu'à la soumission et transformation. Nul n'y peut rien. Se soumettre ou vivre dans un isolement total.
Ils ne veulent pas les éliminer, ils veulent les soumettre, les rééduquer. Point barre. La folie demeure une alternative dans un isolement total. Un Big Brother du siècle nouveau.
Un grand roman à découvrir dans un style d'écriture raffiné. Une auteure avec un talent incontesté.
Gilles Lagrois, Auclair, Québec
www.livresentete.vip-blog.com
"Ils ne peuvent pas m'enlever ce que je ressens."
" Même dans l'impossible, même dans l'insoutenable, il y a des points de repère, de la routine."
" Il n'y a personne qui sait que j'ai disparu de la circulation.Ils nous ont choisis"
" Je suis passé au toilettage cette nuit."
" Ils m'ont choisi parce que je suis assez insignifiant pour disparaître sans laisser de trace.Lui aussi."
" C'est un stérilet hormonal. C'est ce qui empêche mes menstruations. Une intervention chirurgicale non autorisée. "
" Je suis dans une boîte. Je ne peux pas bouger. Et je hurle. Mes cordes vocales sont foutues. Dans un cercueil de métal."
Pour en savoir davantage:
" Premier roman de Claudine Dumont, cette grande passionnée de littérature, de psychanalyse et de photographie qui enseigne le français au secondaire, Anabiose est l’œuvre d’une auteure qui n’a pas fini de nous en mettre plein la vue. Portée par un style narratif fragmentaire, la voix de son protagoniste propulse le lecteur dans la conscience torturée d’une jeune femme aux abois qui a été kidnappée et emprisonnée par deux hommes en noir.
«Je me suis levée. Je n’en pouvais plus d’être couchée. Je fais quelques étirements. Je bois au pichet. Des gestes automatiques. Cela me fait penser à ma vie d’avant. Celle où j’avais un chez-moi, un boulot. Celle où tous mes gestes étaient automatiques. Entre ma vie d’avant, dans une boîte en carton, et ma vie de maintenant, dans une pièce grise, je me demande s’il y a vraiment une différence».
Emma, 26 ans, est assistante téléphonique le jour et prisonnière de son brouillard d’alcool le soir. Pour se désennuyer, elle s’envoie sa dose de téquila quotidienne dans le gosier et espère ainsi échapper à l’emprise du temps jusqu’au soir où deux hommes en noir entrent chez elle et la kidnappent. À son réveil, elle se retrouve dans une prison en béton, avec pour seuls éléments de décor un matelas et un globe au plafond.
Les jours passent et se ressemblent. Emma se réveille, se questionne, se lève, s’étire, dessine, dort, se réveille à nouveau et tente de comprendre ce qui a bien pu lui arriver. Dans cette nouvelle prison à l’intérieur de laquelle Emma est encore plus retranchée du monde, les hommes en noirs, ceux qu’elle surnomme «Ils», lui donnent à son insu de l’eau fraîche et veillent à son entretien corporel. Ils? Eux? Qui sont ces hommes en noir et pourquoi l’ont-ils choisie, elle?
Un beau jour, un deuxième matelas s’ajoute au décor de sa cellule et Emma constate qu’un homme d’âge mûr endormi l’occupe, un bras posé derrière la tête. À son réveil, elle est forcée d’interagir avec ce Julien, qui n’accepte pas du tout sa nouvelle condition de prisonnier. Ensemble, ils tenteront de faire la lumière sur leur kidnapping et, qui sait, essayer de s’en sortir. Mais pourront-ils s’échapper de leur prison? Et, la question qui demeure en suspens dans leur tête: qu’ont-ils en commun?
Avec ce court roman d’à peine 160 pages, Claudine Dumont s’attaque à l’existentialisme et à la condition humaine avec une intrigue qui rejoint en quelque sorte le Huis clos de Jean-Paul Sartre, mais avec la tension effrayante qui a propulsé les films Décadence (2004) de James Wan et Cube (1997) de Vincenzo Natali au rang des grands incontournables.
Violence extrême en moins, Claudine Dumont a aussi misé sur un style d’écriture fragmentaire pour rendre compte de la conscience torturée de son protagoniste. Avec des phrases majoritairement courtes parfois composées d’un mot, d’un verbe ou d’un déterminant, Anabiose est ce type de roman où la pensée est alimentée par la peur la plus pure. À défaut de réellement servir l’intrigue, ce style d’écriture parfois alourdissant finit par faire moins d’ombrage au récit et on se plaît, au final, à vouloir connaître coûte que coûte le sort ultime d’Emma et de Julien.
Pour un premier roman, Anabiose de Claudine Dumont offre un tandem de personnages mystérieux mais complexes, une intrigue haletante soutenue par une narration découpée au couteau, avec un coup de théâtre final qui confirme à lui seul le talent de l’auteure."
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