BRITT Fanny
LES MAISONS, roman, 2015, 221 pages, Québec,
TESSA, chanteuse classique, devient agent de vente immobilière, courtier, raconte sa vie à cœur ouvert, sans gêne, sans remords, sans cachotterie. Son récit est limpide comme l'eau d'une rivière au printemps. La vie est telle qu'elle est, spontanée, sans méchanceté mais avec un grain d'amusement dans la voix, sans malices.
Son compagnon de vie, son conjoint, le père de ses trois enfants, trois garçons, est un tromboniste dans un orchestre respectable. Bon père, bon collègue , bon mari et bon voisin, avec le sens des responsabilités toute sa vie.Mais TESSA n'est pas aussi sage sans être dévergondée.
TESSA, mère aimante, disponible et compréhensive manque de confiance en elle, se déprécie.
Une écriture moderne, directe, colorée par son humour à la québécoise : prendre la vie à la légère au lieu de se stresser.Un roman audacieux par son ouverture sur la vie.
Gilles LAGROIS, Auclair, Québec
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« Il arrive un moment où les gens deviennent une masse indistincte. »
« Elle est comme ça leur chambre : ensanglantée et impeccable. »
« Cette cuisinière double à six brûleurs est fantastique quand vient le temps de s'immoler. »
« Ce patio en cèdre constitue l'endroit idéal pour provoquer une crise cardiaque. »
« Solidarité pour vies pétées »
« Ses mains m'entourent et m'engloutissent et avec elles toutes les moiteurs deviennent obéissantes. »
« Chacun ses fins du monde. »
«Il suffisait d'avaler quelque chose de louche, dans un lieu obscur avec de la musique forte, pour être cool. »
« Nos peines, elles peuvent devenir notre force.Sauf quand elle nous brisent. »
« UN FOU DANS UNE POCHE. »
« TESSA. Je suis sans doute plus tordue que je ne suis prête à l'admettre. »
« FRANCIS, premier amour. Vous êtes pas correctes les femmes. Vous militez pour la communication jusqu'à plus soif, mais vous aimez rien comme le mystère. »
POUR EN SAVOIR DAVANTAGE
Résumé :
« Tessa, chanteuse classique convertie en courtière immobilière, vend des maisons et ne va pas bien. Elle élève trois fils qu’elle adore avec un homme qui la chérit. Dans trois jours, elle a rendez-vous avec Francis, un ancien amour qui n’a jamais guéri. Entre-temps, il y aura des visites de propriétés, des cabines d’essayage, des cours de natation, des ponts en bâtons de popsicle à livrer à l’expo-sciences de l’école, des étreintes dans la nuit, des deuils, des rappels de l’enfance, des fantômes, et la peur de vieillir dans l’amertume. Cesse-t-on un jour de désirer ce qu’on a désiré à vingt ans ?
Au confluent des Annie Dillard, Elisabeth Strout et Rachel Cusk, l’ample fresque des Maisons fouille les drames privés dans une époque d’insatisfaction et de conformisme. Derrière les portes closes sur des intérieurs encombrés par la solitude, on trouvera aussi l’amour des enfants et de l’architecture du quotidien. Tout ça se passe à Montréal. »
UNE LECTRICE
« Entrer dans Les maisons de Fanny Britt, c'est pénétrer dans l'univers intime de Tessa, une mère de 3 jeunes garçons et conjointe adorée d'un musicien. Tessa est âgée de 37 ans et elle exerce le métier d'agente immobilière. Par le plus grand des hasards, elle revoit son premier amour, celui qu'elle n'a jamais pu oublier, celui qu'elle a toujours gardé enfoui dans les tréfonds de son âme. Cet homme, après l'avoir revue, l'appelle et les deux anciens amants se fixent un rendez-vous quelques jours plus tard. Pendant ces trois journées d'attente, Tessa est alors confrontée à ses souvenirs et elle entre en conflit avec ses émotions.
Ce livre offre une belle métaphore textuelle, celle de l'intériorité versus l'extériorité par le biais de la maison. Tessa projette l'image d'une mère aimante, d'une conjointe attentionnée et d'une agente immobilière à l'écoute de ses clients. Sa façade est bien belle, donc le portrait qu'elle offre apparaît quasiment parfait. Pourtant, qu'est-ce qui se cache derrière la porte de cette femme? Dans ce récit, le lecteur est amené à l'intérieur de Tessa et il comprend qu'elle ne va pas bien. Est-ce la peur de vieillir ou encore est-ce la faute aux démons de son passé? Est-ce associé à la société qui impose un certain mode de vie? le lecteur accompagne Tessa en fouillant avec elle les méandres de sa pensée, en revisitant les lieux qui l'ont marquée, en rencontrant les gens qu'elle a côtoyés et en étant témoin des drames qu'elle a vécus. Tessa renoue avec la petite fille en elle et l'amoureuse passionnée qu'elle a été.
“Attendre. Pressentir avec effroi et exaltation qu'on en espère autant qu'au premier jour, que la fièvre ne se guérit pas, qu'on est une chandelle fondue, que le pouvoir a toujours été et sera toujours du côté des autres, que rien, ni le temps, ni les enfants, ni les briques qu'on a farouchement empilées n'ont d'effet sur le sombre désir de dire oui à cet homme absent depuis si longtemps. (p. 37)”
En ce sens, Francis apparaît comme le fil reliant Tessa à son passé, à ce qu'elle a perdu : sa jeunesse et sa fougue. Cet homme est omniprésent dans sa vie depuis des années ; c'est à lui qu'elle s'adresse. Il est devenu son compagnon intérieur. Comme elle le mentionne :
“Ce qui est étrange, c'est que j'ai beaucoup parlé à Francis, dans ma tête, depuis quinze ans. Il a assisté à la résolution de plus d'un conflit intérieur. (p. 205)”
À cet égard, Tessa a perdu ses repères et elle essaie de retrouver sa place à la suite de ses retrouvailles avec Francis. Ses murs intérieurs sont ébranlés. Lors de leur première rencontre, elle s'était dit qu'elle n'aimerait plus jamais personne comme elle l'a aimé. Pourtant, à la fin, elle prend conscience qu'elle a vieilli, tout comme lui, que cet amour n'est qu'un fantasme et qu'il est tributaire d'une période révolue.
“Mais ces versions de nous n'existent plus.
N'est-ce pas d'une éclatante évidence? Est-il encore possible que ce soit lui, mon amour torrentiel? Ses cheveux grisonnants mais surtout clairsemés- en fait, pas tant clairsemés que duveteux, une tragi-comédie qui arrive aux hommes vieillissants, les faisant ressembler pendant un temps à des canetons, inoffensifs comme de la barbe à papa- ses cheveux changés, en tout cas, et puis les vêtements, ceux-là mêmes qu'il aimait à l'époque, mais qui désormais lui donnent un air tristounet, ce Francis réel, en somme, que vient-il faire dans mes délires? N'est-il pas aussi ridicule que moi dans mon costume de matrone dépressive?
N'a-t-il pas, autant que moi, douloureusement honte?
Ne sommes-nous pas les tristes, tristes clowns d'un sketch éculé? (p. 205)”
J'ai beaucoup aimé cette histoire en raison du lien intime qui se noue entre l'instance lectrice et Tessa. Cette dernière apparaît en pleine crise identitaire et elle tente de se retrouver dans son rapport au désir. Donc, j'ai apprécié cette crise de la quarantaine que traverse Tessa en silence. L'écrivaine trace le portrait d'une femme qui s'est développée à travers ses peines et ses échecs. Chaque pierre de son être raconte une histoire… Tessa doit faire la paix entre ce qu'elle attendait de la vie au début de la vingtaine et ce qu'elle est 20 ans plus tard…Entre illusion et désillusion, il lui faut redéfinir les cloisons de sa maison afin d'accepter la réalité.
Aussi, le thème de l'adultère apparaît central mais d'autres viennent s'y greffer comme la maternité, l'amitié et le vieillissement.
Alors, je vous recommande certainement d'ouvrir les portes des Maisons de Fanny Britt. Je suis convaincue que vous ne serez pas déçu par cette écriture intelligente, sensible. »
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