CREWS Harry
LA MALÉDICTION DU GITAN, 1974, 1993 Galliamrd, 238 pages
Présentation de l'éditeur
« Marvin Molar aurait de quoi l’avoir mauvaise. Muet de naissance, sourd par accident, abandonné à l’âge de trois ans et recueilli par un vieux lutteur bizarre qui s’est fait rouler sur la tête par un camion, Marvin est également nain, une curiosité de foire au buste puissant et aux bras monstrueux. Pire, il ne pèse rien et ses jambes de sept centimètres traînent sous son ventre comme les résidus d’une mue de têtard. Ses amis, boxeurs schizophrènes ou sonnés par les coups, vivent avec lui dans un gymnase saturé de testostérone et fréquenté par des fous de la fonte. Un monde à part. Fragile. Un univers dans lequel débarque une très jeune femme, a priori normale, belle à rendre idiot ; une femme à laquelle il ne manque rien. Rien ? Sauf peut-être le cœur...
Traduction de l’ anglais : Philippe Garnier
Harry Crews, un maître du grotesque
Thierry Godefroid
"Il fallait qu’Esther et Aristote apprennent à pas trop me baiser la gueule. Me baiser la gueule un petit peu, je dis pas. Quand on a traîné dans les galères où j’ai traîné, on s’attend bien à se faire baiser la gueule un petit peu. Mais pas trop".
Ainsi va la vie de Marvin Molar, cumulard du handicap (car cul-de-jatte sourd et muet), qui fraye néanmoins avec une superbe créature nommée Esther. Il faut dire que pour compenser sa déficience, Marvin est un vrai paquet de muscle capable de tours époustouflants. Il gagne sa vie en se produisant ainsi comme attraction, managé par le vieux tenancier d’un gymnase miteux peuplé de boxeurs et d’amoureux de la fonte.
Ce septième roman de Harry Crews publié en 1974 aux Etats Unis est un drame magistral, peut-être son chef d’oeuvre le plus indiscutable. Ecrit à la 1re personne, un incroyable personnage tout droit sorti du Freaks de Tod Browning s’y raconte sans retenue. L’aspiration légitime de Marvin à un minimum de dignité est le fondement d’un malaise qui le conduit à des actes extrêmes lorsqu’il réalise que les échantillons de bonheur auxquels il pense pouvoir prétendre ne sont que des mirages, que l’amour ne lui sera jamais délivré que sous une forme déviante et malsaine, de la part d’une femme normalement constituée dans les apparences mais ô combien dérangée dans son psychisme. Tous les personnages sont parfaitement dessinés, aucun second rôle n’est laissé à moitié en friche. En particulier, le vieil Al Molarski et les deux boxeurs à moitié décérébrés qui entourent Marvin acquièrent une densité incroyable et bouleversent toujours plus à chaque apparition.
Utilisant plus que jamais le ricanement contre le désespoir, Crews dépeint une humanité globalement irrécupérable, polluée qu’elle est de ses individus désaxés ou néfastes. Sous cet aspect, la malédiction du gitan rappelle les meilleurs romans de Jim Thompson, le cynisme en moins et la compassion (insufflée avec une discrétion et une intelligence rares) en plus.
Un monument du roman noir, servi dans une traduction (Philippe Garnier) absolument parfaite. Indispensable à tout amateur du genre, ça va sans dire. «
Livre vivement conseillé par Thierry Godefroid. Source : www.bibliosurf.com
Un grand roman du genre grands frissons-thriller ….je dirais même remarquable par la construction du roman, son style haletant, sa progression, ses personnages biscornus et un sujet tabou les êtres difformes, marginaux au passé lourd et ténébreux dont l’intensité me rappelle le magistral LE PARFUM de Patrick Süskind. Des esprits tordus mais des humains à part entière. À lire sans fautes . GiL