BARD Patrick
ORPHELINS DE SANG, Seuil, 03.2010, 333 pages
Seuil, 11/03/2010 ISBN : 9782020978651
Présentation de l'éditeur
« A Ciudad de Guatemala, l’une des villes les plus violentes du monde, deux jeunes femmes mayas gisent dans la boue d’un terrain vague à côté d’un jouet en peluche. L’une est morte. L’autre a survécu par miracle, mais sa fille de dix mois a disparu. C’est ce qu’elle confie à Victor Hugo Hueso, un officier des pompiers municipaux qui rêve de devenir journaliste. L’apprenti reporter décide alors de mener l’enquête, loin de se douter qu’il met ainsi le doigt dans l’engrenage infernal du négoce le plus florissant de son pays : le vol et le commerce de masse des enfants.
Loin de là, en Californie, Katie et John Mac Cormack, désespérés par leur stérilité, font appel à une association d’adoption express au-dessus de tout soupçon.
Entre les deux extrémités de la chaîne agissent de pitoyables crapules de bidonvilles, d’anciens tortionnaires reconvertis dans la police, des ex-militaires patrons de sociétés de sécurité privée, des avocats sans scrupule. Mais rien ni personne ne saurait arrêter Victor Hugo Hueso, résolu à aller jusqu’au bout pour retrouver la petite Claudia, fût-ce au péril de sa vie et pire, de celle des siens.
Patrick Bard est écrivain et photographe. Son premier roman, La Frontière, a obtenu le prix Michel Lebrun 2002, le prix Brigada 21 (Espagne) du meilleur roman policier étranger 2006 et le prix Ancres Noires 2006. » source : www.bibliosurf.com
• 7 juin 2010 17:36, par cynic63
Patrick Bard connaît l’Amérique centrale. Ils nous le démontre encore ici avec Orphelins de sang, un grand roman à la fois poignant, documenté sans tomber dans le reportage journalistique et qui fait preuve d’une grande capacité d’analyse de l’Humain et des situations extrêmes qu’il doit parfois affronter au quotidien.
En 2021, Maya, fille adoptée du couple Mac Cormack, est ce qu’on appelle communément une adolescente à problèmes. De disputes récurrentes en automutilations, elle est en totale rupture avec des parents qu’elle ne supporte plus. Lors d’une crise survenue à table, elle fait comme d’habitude : elle s’enferme dans la cave du cossu pavillon que cette parfaite famille américaine possède et aperçoit, dissimulée comme un secret, une étrange boîte en fer. Elle découvre alors de nombreux papiers, coupures de presse entre autres, en espagnol. Ne maîtrisant pas cet idiome, elle fait appel à son petit ami afin qu’il traduise les contenus de ces écrits.
Quatorze ans plus tôt, dans la capitale guatémaltèque, Victor Hugo Hueso ne rêve que d’une chose : devenir journaliste afin d’assurer un salaire décent et la sécurité, tant matérielle que physique, à sa jeune famille. Pour l’instant, il est pompier et assure les relations avec la presse locale et nationale. Une presse friande de faits divers tous plus horribles les uns que les autres tant la mort paraît être une entité consubstantielle à l’existence de tout citoyen de ce pays d’Amérique centrale oublié de tous.
Ses journées se ressemblent car dès 17h commence la longue litanie des décès violents, de la rage urbaine qui broie du maras, ce membre de gang pour qui la mort est presque un métier, à l’ouvrière du textile d’une multinationale dirigée à la baguette par des capitalistes coréens ou occidentaux.
Ainsi, Hueso se rend sur ces différentes scènes de crime afin de photographier, de saisir sur le vif, si on ose dire, l’horreur paradoxalement banale de toute cette fureur. Au hasard, une affaire attire son attention : une Indienne est retrouvée morte, sa camarade se trouve dans le coma et un malheureux jouet gît sur le bas-côté. Il décide, alors que tout le monde, à commencer par des policiers débordés, désenchantés ou corrompus, se dit que cette affaire est d’une terrible banalité d’en savoir plus et se lance dans une véritable investigation. D’autant qu’Escarlet, la survivante, s’est réveillée et lui apprend que sa fille de dix mois a été enlevée.
Au même moment, dans le vrai monde de l’Amérique yuppie, Katie et John Mac Cormack désespèrent. Toutes leurs tentatives pour avoir un enfant se soldent par des échecs. La médecine n’ayant pu assister le couple dans son désir d’enfant, il s’est tourné vers la seule solution restante : l’adoption. Les Mac Cormack y étaient presque : un petit roumain devait bientôt leur être confié mais avec l’entrée de la Roumanie dans l’U.E, le pays a décidé d’interdire les adoptions à l’étranger.
Un peu par désoeuvrement, mais aussi parce qu’il en va de la survie de son couple dont les fondations ont été endommagées par la répétition des déceptions, John entrevoit, à l’issue d’une nuit à surfer sur le net, l’ultime solution : l’Amérique centrale. Il a, en effet, découvert que les choses pouvaient aller vite, qu’un enfant pouvait leur être confié rapidement et en toute légalité. Du moins selon l’agence qui se chargera de leur trouver le petit être qui sauvera son mariage.
Malgré les descriptions et les scènes à la violence parfois insupportable, à l’image de ce rêve comateux d’Escarlet qui revoit les images fortes de son enfance, notamment ce jour maudit où les soldats sont venus se venger des guérilleros sur les habitants de son village ou encore le récit introspectif d’Edwyn, l’un des rouages de cette terrible mécanique, qui nous permet de saisir tout le conditionnement subi par certains jeunes afin qu’ils deviennent de véritables machines à tuer, on ne peut pas vraiment dire que le roman de Bard constitue un polar ou un thriller au sens strict. Et, effectivement, c’est bien à l’autopsie d’un monde que se livre l’auteur.
D’abord d’un Tiers-Monde, dont on nous dit un peu trop souvent dans les médias ou ailleurs qu’il ne faut plus l’appeler comme cela, qu’on savait à la dérive certes mais pas aussi irrémédiablement embourbé, tels ces bidonvilles emportés par les glissements de terrain, dans un passé qui lui refuse de regarder vers un avenir ne serait-ce qu’acceptable. Si certains ne font que du business en kidnappant des enfants, si le Guatémala est gangréné par une classe politique au mieux incompétente, au pire partie prenante de ce désastre, d’autres s’interrogent, se battent comme ces femmes qui refusent le caractère inéluctable des violences qu’elles subissent ou bien comme Victor qui croit que tout ce cauchemar se terminera un jour.(...) »source :www.bibliosurf.com
Très bon roman plus du genre autopsie d’un peuple que du genre polar-thriller. Un auteur à découvrir pour son style brillant, avec des images d’un grand réalisme, l’audace du sujet de ce roman vitrioleur qu’est l’adoptation d’enfants au Guatémama ou plutôt le vol d’enfants et l’extermination de familles entières pour ce trafic abject.
Le Guatémala a été sous la coupole de plusieurs régimes politiques qui se sont concentrés sur l’extermination du peuple quatémaltèque car plus de 250 000 personnes furent massacrées durant cette période d’histoire. Une autre partie de l’humanité illiminée à des fins personnelles, politiques et militaires sans aucune compassion pour la population et civilisation guatémaltèque. Une honte pour l’histoire de l’humanité. Un autre livre dont la réalité dépasse la fiction.
Gilles Lagrois, Auclair, Québec