GLOBALIA, 2004, Gallimard, 495 pages
anticipation
« Baïkal veut emmener Kate loin de Globalia, dans un (non-)endroit où la civilisation n'a pas cours, là où peut-être la liberté d'action est possible, loin de la publicité et de l'information vendue, à des kilomètres de la dictature du plaisir et de son éternelle insatisfaction. Baïkal veut s'éloigner au plus vite d'un monde dont l'origine s'est perdue, qui a nié la possibilité d'autres civilisations jusqu'à les effacer des mémoires, puisque ce monde est par définition et propagande la "démocratie parfaite".
Ceci est le point de départ du nouveau roman de Jean-Christophe Rufin, une critique assez évidente de la civilisation occidentale moderne, de ses dérives consuméristes et liberticides.
En postface, JCR explique avoir voulu dans ce récit fusionner les deux pans distincts qui constituent son oeuvre littéraire : l'essai à tendance "altermondialiste" et le roman historique. Pourquoi pas ? serait-on tenté de dire. Dans la même veine, d'illustres prédécesseurs ont d'ailleurs décroché la timbale, avec, par exemple, le Meilleur des Mondes, Fahrenheit 451 ou 1984. C'est à ces monuments archi-connus que JCR ose se mesurer, fort de son prix Goncourt, et le moins que l'on puisse dire c'est que le résultat de cet incroyable culot est mitigé.
Je n'irai pas jusqu'à dire que Globalia est mauvais. C'est une lecture tout à fait agréable pour les soirs où l'on n'a pas envie d'être secoué par un style d'écriture percutant. De plus, il renferme quelques idées originales et étonnantes, quelques retournements de situation inattendus et une fin à tiroirs qui, même si elle est un peu fastidieuse, montre que Rufin n'était pas en panne d'imagination. Globalia est en somme une oeuvre qui peut réjouir puisqu'elle est susceptible d'ouvrir les yeux à certaines personnes sur la réalité du monde "peut-être pas si idéal" où ils vivent.
Si je devais utiliser une image cinématographique, je dirais que le scénario est tout à fait correct. Pour la direction des acteurs, le montage, et, en définitive, la réalisation, je serais beaucoup moins enthousiaste.
Sans vouloir que Globalia devienne un roman "de genre", il me semble que tout cela manque de peps, d'énergie, de causticité, de montées lyriques, d'énervement aux endroits où cela aurait été nécessaire. Le style est terriblement "pépère", Globalia est un long fleuve tranquille qui par endroit ne peut éviter l'ennui et les lourdeurs maladroites (par exemple, on pourrait souligner les phrases où JCR a essayé de caser telle ou telle idée, parfois convenue), voire les tentatives d'humour qui tombent à plat à cause de la mollesse de l'ensemble.
J'attendais un roman au style aventureux puisque l'action l'est elle-même, or celui de JCR, c'est tout le contraire : une langue efficace mais sans aspérité, dépourvue du style et du vocabulaire qui tirerait l'action vers le haut.
Alors, en conclusion, je ne peux m'empêcher de me demander si JCR n'aurait pas mieux fait de continuer à creuser le sillon qu'il connaît : l'essai à message. Son incursion dans le roman d'anticipation n'est pas concluante, même si l'on reconnaîtra que cela peut élargir le lectorat mis ainsi en contact des idées "alter-" (qualifions-les comme ça pour faire court). »source : www.critiqueslibres.com
Je ne suis par personnelement d’accord avec cette critique sévère de ce bon roman de Rufin. GiL
Globalia" de Jean-Christophe RUFFIN ****
GLOBALIA est un monde qui ressemble étrangement au nôtre ou à ce à quoi il pourrait ressembler : un espace sécurisé, protégé par de grandes parois en verre, où il fait toujours beau et d'où le tabac a disparu. Les individus, qui n'hésitent pas à recourir à la chirurgie esthétique afin de rester éternellement jeunes, y sont heureux grâce aux "centres de promotion du bonheur" et leur armada de psychologues.
A cette société "parfaite" où la richesse et la puissance dominent s'oppose un autre monde : celui des non-zones où la pauvreté est partout visible et où sévissent les vestiges de notre monde actuel : guerres, famines, pollution, individus vieillissants et ridés, etc.
C'est pourtant cet univers inconnu que Baïkal souhaite rejoindre afin de connaître cet "ailleurs" diabolisé. Exilé avec l'accord des autorités qui voient en lui l'homme idéal pour incarner l'autre, 'le nouvel ennemi" dont a besoin Globalia, il s'aventurera dans ce monde dangereux mais où les individus sont encore libres de leur destin.
Malgré ces presque 500 pages, ce grand roman d'aventures, mais aussi d'amour et d'amitié, "1984" du 21ème siècle, se lit d'une traite. Par sa portée philosophique et une réflexion sur les relations nord sud et la répartition des richesses dans le monde, ce récit, mené avec beaucoup d'habileté, à la fois extrêmement bien écrit et d'abord facile, proche des préoccupations et des inquiétudes du monde actuel, devrait toucher de nombreux lecteurs et pas seulement les amateurs de science-fiction.
Source :bloglittératurepassion
Un bon roman de J.C. Rufin du genre futuriste-ANTICIPATION où on y retrouve un style à la hauteur de nos attentes de Rufin. Globalia est un monde où on garantit à chacun la sécurité, la prospérité, la liberté mais dans ce monde sans discrimination de sexe, de race, de religion, de classe sociale il y a un hic car ce monde est dirigé par un groupe économique mondial très puissant et les dés sont pipés. L’homme se soumet aux règles de cette société globale sinon il devient un exclus, un hors société, un hors- la- loi, un ennemi, une menace à éliminer.
« Dans le monde de Globalia, qui n’est autre que celui d’une démocratie poussée aux limites de ses dangers, je n’aurais, moi aussi, qu’un désir : m’évader. La fuite, telle devait donc être ma place. C’est ainsi que, redoublé, je suis devenu Kate et Baïkal, transfuges d’un monde auquel ils ne peuvent se soumettre. » page 495.
Nous sommes déjà à la limite d’un monde gouverné par les écomomistes, les pétrolières, les multinationales. Ce roman nous met en garde contre l’égalité, la sécurité et la prospérité car nous y perdrons notre liberté, tel en est le prix. Un grand roman de Rufin.
Gilles Lagrois, Auclair, Québec.