CHAHDORTT DJAVANN
JE NE SUIS PAS CELLE QUE JE SUIS, Flammarion, 2011, 531 pages
Une femme Iranienne, deux situations : l’une vit en Iran dans sa famille et cherche par tous les moyens une façon de sortir de son pays voire même en épousant un Iranien nationnalisé Anglais et vivant à Londres; la deuxième situation est l’Iranienne vivant à Paris mais aux prises avec des problèmes psychologiques d’origine familiale et paternelle qui pour s’en sortir est suivie par un psychanalyste incompétent.
D’une main sûre et avec un grand talent d’écriture, l’auteure nous trace la vie intérieure et sociale de cette femme aux prises avec son passé, la pression sociale et religieuse de sa famille iranienne. Un grand roman qui nous décrit une femme meurtrie par les lois religieuses et sociales d’une société dont la survie économique est dépendante des pays voisins.
Gilles Lagrois, Auclair, Québec.
« Nul besoin d’être un opposant politique sous le régime théocratique de l’Iran pour que votre vie quotideienne soit pavée de tortures psychiques.Vous vivez, dès l’enfance, à l’école, sous l’influence d’une idéologie qui vous inculque l’infériorité du sexe féminin, l’impureté du corps, l’obscénité du désir, le péché du plaisir.Une idéologie qui efface, interdit les différences et vous enferme dans une identité qui s’érige contre les valeurs décadentes de l’Occident. » p. 140
« Pour survivre sous ce régime, vous devez vous plier à la volonté de ceux que vous haïssez, obéir à ceux que vous méprisez. Femme, vous devez tout voiler, votre corps, vos cheveux, vos pensées, vos désirs, vos sentiments. Vous ne disposez pas de vous-même. Vous êtes spoliée de tout, de votre vie comme de votre histoire. Vous n’êtes bonne qu’à vous soumettre, qu’à subir. » p. 181
« Elle crut comprendre, du moins en partie, pourquoi l’ordre établi dans les pays musulmans, qu’ils soient chiites ou sunnites, se perpétue. Les femmes appartenant aux familles riches y jouent un rôle de première importance dans le maintien des lois islamiques. » p. 337
« Le psychanalyste laisse l’analysant libre de se dire, de parler de tout et de rien, de se répéter, pendant des années; plus c’est long, plus rapporte. » p. 395
Pour en savoir davantage :
« Partir coûte que coûte. Désir d'aventure, volonté, rêves et illusions se fracassent sur le réel. Iran, Paris, Istanbul, Dubaï ; la prison, la torture, le viol, la prostitution. Restent la folie et la solitude.
Des vies parallèles dans des villes différentes, et une même femme. Deux temps inversés et entrelacés : une épopée échevelée et une psychanalyse avec ses risques et ses dangers, séance par séance. Tout sur le divan : le rapport au père, aux hommes, les traumatismes d'enfance, l'exil, la langue française dont il faut s'emparer pour faire le récit d'une vie, pour se réconcilier avec la vie.
Fort et léger, drôlement triste et tragiquement gai, ce roman est tout simplement impressionnant. « www.fnac.com
« Des vies différentes dans des villes différentes, et une même femme.
Deux histoires entrelacées. L'une, picaresque, nous fait voyager en compagnie de l'héroïne, qui traverse mille et une épreuves, de Téhéran au golfe Persique, de Dubaï aux rives du Bosphore. Et l'autre, intime, à Paris, se construit dans le cabinet d'un psy. Pour la première fois une psychanalyse nous est dépeinte, séance par séance, comme un tableau impressionniste. Le rapport au père, à la mère, aux hommes, la prison, la torture, le viol, la prostitution, la solitude, l'exil et la langue française dont il faut s'emparer pour faire le récit d'une vie, pour se réconcilier avec la vie sont les thèmes de ce livre. » www.babelio.com
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« Avec intelligence, l'auteure tisse l'histoire d'une femme iranienne, nommée Donya, en alternant deux récits : des séances de psychanalyse à Paris, où cette dernière tente de délivrer les mots enfermées en elle et de faire la lumière sur l'indicible, et le déroulement de sa vie en Iran dans les années 1980-90 (sous le régime de Khomeini) ; une existence emplie d'épreuves souvent douloureuses.
Chahddortt Djavann a réussi à entrelacer l'intérieur, l'intime, la profondeur des sentiments de son personnage - une quête de la vérité éprouvante mais nécessaire pour poursuivre son existence-, et son périple géographique, humain, social dans un pays brisé où la femme doit s'effacer : elle n'a plus de corps (dissimulée sous un voile) plus de voix, peu de droit, aucune action possible, elle est totalement assujettie au régime et aux hommes qui le dirigent.
Mais, Donya est rebelle. Eprise de liberté, elle tente par tous les moyens de résister à la fatalité implacable qui touche les femmes en leurs imposant d'insoutenables conditions. A maintes reprises, elle se brûle les ailes et se heurte à des murs. Son corps est mis à mal, tout comme son esprit. Elle sera emprisonnée, abusée sexuellement, connaîtra la prostitution, la torture, éprouvera un sentiment d'impuissance, de la solitude... Malgré toute cette violence et ce désespoir, donya restera debout.
Les séances de psychanalyse qu'elle débute quelques temps après son exil sont extrêmement pénibles pour elle, mais sa réconciliation avec la vie passe par cette introspection. Elle va très vite être confrontée à une difficulté de taille : la langue. Comment exprimer un passé aussi douloureux alors qu'on ne maîtrise pas la langue ? Comment faire sortir toute la souffrance qui est en elle à travers des mots qu'elle ne connaît pas ?
Ce roman m'a bouleversée. Il m'est arrivé de fermer le livre soudainement lors d'épisodes trop durs, tellement la réalité y était crue. On entre de plein pied dans l'innommable que tant de femmes, aujourd'hui encore, subissent. Mais, j'ai poursuivi ma lecture jusqu'au bout parce qu'il ne faut pas fermer les yeux, jamais... J'ai hâte de retrouver Donya la révoltée, dans un second tome (en préparation), son désir ardent de liberté, sa fougue, sa détermination envers et contre tout.
« Qu'est-ce que les hommes peuvent comprendre à cette humiliation subie par les femmes, à ce voile qui symbolise la culpabilité d'habiter un corps féminin, comme si les femmes devaient avoir honte de leur crâne ? Est-ce une vie digne d'un être humain que de se sentir coupable par le simple fait d'exister ? Elle enfonça ses doigts dans la masse de ses cheveux libérés. »
« Femme, vous devez tout voiler, votre corps, vos cheveux, vos pensées, vos désirs, vos sentiments. Vous ne disposez pas de vous-même. Vous êtes spoliée de tout, de votre vie comme de votre histoire. Vous n'êtes bonne qu'à vous soumettre, qu'à subir. »
« On ne peut pas guérir quelqu'un de sa vie, à moins de lui ôter la vie. Et d'ailleurs elle n'est pas venue ici pour guérir, elle est venue ici pour que vous l'aidiez à oublier. On ne peut pas guérir quelqu'un de la réalité. »
« Je pense qu'une société où quelqu'un qui est dans la souffrance doit payer pour que tout simplement on l'écoute parler, c'est une société qui va très mal... C'est grave quoi ! Anthropologiquement parlant, ça prouve que les liens entre les gens se défont. On a père, mère, frères, sœurs, amies, collègues, cousins, amants, maîtresses, voisins... Que personne ne soit là quand on est dans la souffrance, et qu'on soit obligé d'aller payer un inconnu juste pour parler, c'est le début de la fin ; ça déshumanise la société et les rapports humains. »
« Faire miens des mots qui ne l'étaient pas et explorer avec eux tout un nouveau monde à l'intérieur de moi-même, dont l'accès m'était impossible... c'est plus qu'un voyage initiatique. (…) Avec l'analyse, les mots français se sont enracinés non seulement dans ma tête, mais aussi dans mon histoire et dans mon corps... Ces mots étrangers ont pris part à mes souffrances. Ils ont pris part à mon passé, qui s'est passé sans eux. »
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