Heureux celui qui m’abandonne,
Il me rend à moi-même.
Je suis depuis très souvent seul
Et je m’y habitue.
Il n’y a plus de place
Dans notre société
De consommation
Pour les lents, les trouillards,
Les peureux, les non agressifs,
Dans un monde blessé, déchiré
Par la vie accélérée au quotidien
Comme moi qui suis une taupe
Par son aspect solitaire
De survivant autocratique.
Ce que je veux
C’est de n’être que moi.
Je ne veux pas être plus ou moins,
Seulement un être à part
Qui décide pour lui-même
Et choisit de vivre autrement.
Je préfère attendre
Plutôt que d’être encombré
Ou soumis par habitude.
Je préfère ne rien dire
Et continuer par choix
Que de tarir une relation
Qui me convient par besoin
Et malgré tout a ses avantages.
Le plaisir est un choix à deux
Sinon je deviens dépendant,
Obéissant, repu, saturé
De l’autre qui devient ma source,
Mon plaisir, ma drogue.
Trop c’est comme pas assez
Et ça dans tous les domaines.
La terre est en danger,
Je refuse de me mettre en danger
Pour le plaisir de ta présence continue.
Par sa nature même,
Chaque esprit est condamné
À souffrir et à jouir en solitude.
Les sensations, les sentiments,
Les intuitions, les imaginations,
Tout cela est privé
Et, sauf au moyen de symboles,
De mots, et de seconde-main,
Incommunicables aux autres.
Nous voir nous-mêmes
Comme les autres
Nous voient ou perçoivent
Est un don fort salutaire et rare.
Trop est pas assez sont deux excès.
L’abondance et la famine
Sont donc deux fléaux.
Je ne veux pas être
Ni l’un ni l’autre
Seulement un participant
Et un observateur de l’âme.
Je n’aspire à aucune gloire,
À aucun bonheur et amour éternel.
Âme d’ambitieux, assez lucide,
Assez séparé des autres
Ou assez malade
Pour mépriser tous les objets convoités
De son ambition, de ses désirs
Et son amition même.
Telle est sans doute ma condition.
Ce que je souhaite surtout
C’est de pouvoir vivre
Ma vie à ma manière
Parfois de solitaire parfois d’être aimé.
Je recherche avant tout
Ta présence et ton amitié partagée.
Gilles Lagrois, Auclair, Québec, 12 juin 2012