LEMAÎTRE Pierre
AU REVOIR LÀ-HAUT, Albin Michel, 2013, 563 pages, PRIX GONCOURT 2013
Un roman intense d'une grande écriture, d'un auteur pilier à sensations dramatiques, fortes, instinctuelles.
L'action historique se déroule lors de la première guerre mondiale en France.
Les deux personnages principaux sont des soldats aux prises avec la colère, la souffrance, les abus physiques et personnels de hauts gradés qui fondent leur fortune personnelle sur la victoire de cette guerre à prix inhumain, irriguliers, amoraux.
Deux soldats sont témoins d'un acte irrationnel, démesuré, mortel de la part de leur lieutenant chef et responsable du régiment.
Un roman qui a le mérite d'un Prix Goncourt pour la qualité d'écriture de l'auteur, les valeurs humaines menacées et le côte historique dévoilé par une écriture époustouflante.Un grand roman, un grand auteur à percer.
Gilles Lagrois, Auclair, Québec
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" Le craquement est sinistre, des côtes écrasées, brisées. Édouard entend un râle. Sous lui, la terre se retourne et il glisse plus bas, comme s'il tombait de sa chaise, mais ce n'est pas la terre qui s'est soulevée, c'est Albert qui s'est tourné, qui vomit tripes et boyaux, qui se met à tousser. Édouard n'en croit pas ses yeux, ses larmes remontent, c'est vrai qu'il a de la chancce, cet Édouard, vous avouerez. Albert continue de vomir, Édouard lui tape gaiement dans le dos,il pleure et il rit en même temps.Le voilà assis là, sur ce champ de bataille dévasté, à côté de la tête d'un cheval crevé, une jambe repliée à l'envers, sanguinolente, tout près de défaillir d'épuisement, avec ce type qui revient de chez les morts en dégueulant...
C'est alors qu'arrive à sa rencontre un éclat d'obus gros comme une assiette à soupe. Assez épais et à une vitesse vertigineuse.La répnse des dieux, sans doute." p.52
Pour en savoir davantage:
Au-revoir là-haut: superbe, jusqu'à la fin!
"Dans une France meurtrie par la boucherie qu'a été cette Grande Guerre, on s'occupe des cimetières, des monuments aux morts, des édifices à la gloire des soldats tombés sous les balles ennemies... La société d'après-guerre tourne autour de ses héros disparus, alors que les soldats vivants sont les oubliés de cette société.
Retournant du front, Édouard Péricourt et Albert Maillard font partis de ceux qui ont tout perdus... C'était le 2 novembre 1918, c'était la fin de la guerre. Les soldats n'en peuvent plus ; mais ce n'est pas l'avis de leurs officiers. En particulier celui qui commande nos deux poilus : le lieutenant d'Aulnay-Pradelle est un rageur, un coriace, un dur à cuire, un homme peu scrupuleux. Il envoie ses soldats à l'assaut de la côte 113."
"Le début de leur calvaire à tous les deux, le début de la réussite pour "Pradelle".
Mais, réunis, Albert et Édouard vont imaginer une revanche personnelle et collective époustouflante, un pied de nez magistral.
Dès la première scène, Pierre Lemaitre nous met dans le rythme effréné qui perdurera tout au long du roman, en excluant quelques longueurs vite oubliées. Celui-ci prend d'abord forme avec des phrases courtes, saccadées. Ce style est au début un peu lourd, mais on comprend vite ce choix dès que l'action arrive : cette routine, cette fatigue qui oppressait chaque soldat pendant de longs moments.
D'ailleurs, un des points forts de ce récit est cette capacité à faire partager au lecteur ce que ressent le soldat. Même si l'auteur a choisi un point de vue extérieur, il n'adopte pas moins le ton d'un poilu. On y retrouve par exemple l'ironie, mordante, qui allège le livre - "En quatre ans, Albert en un vu un paquet, des types morts de rire en recevant une balle allemande" ; des dialogues incorporés directement dans les phrases, qui donnent de la vie au texte - "Labourdin ouvrit la bouche, cligna des yeux, bien, bien, bien..." ; les gros mots, symboles de la classe sociale ; le langage populaire et familier - "ça prend un temps fou" ; et, enfin, on peut noter que tout au long du livre, des personnages - en particulier Mr. Péricourt - essayent de mettre la main sur un mot, et l'auteur nous le fait vivre tel le prolongement de sa pensée. Ainsi, le style sert l'action, et tous ces procédés impliquent le lecteur davantage.
Le livre commence par un assaut - la guerre. L'action est dense et très prometteuse dans les trois premiers chapitres : on assiste à des rebondissements multiples."www.huffingtonpost.fr