LOUIS Édouard
EN FINIR AVEC EDDY BELLEGUEULE, roman, SEUIL, 2014, 219 pages
Premier roman réussi d'un jeune auteur de vingt et un ans sur un sujet délicat et déstabilisant: devient-on pédé dès la naissance, sommes-nous pré destinés ?
Eddy a dès son enfance des traits, des allures, des comportements de fille: il a une voix claire et douce, une démarche avec un déhanchement féminin, il suit sa mère comme son ombre, il n'aime pas les sports.
Dès son entrée scolaire, les autres élèves, surtout les garçons le traitent de pédé et lui crachent au visage. Ses parents sont à faible revenu, d'un milieu culturel sous la moyenne, voire pauvre genre son père est travailleur à l'usine depuis l'âge de seize ans.
Il devient, dès le cycle primaire scolaire, la victime des garçons en peu plus âgé que lui. Il ne passe inaperçu et devient le souffre-douleur de son école.
Un roman touchant sur les conditions de vie d'un jeune enfant déjà victime de ses prédispositions à l'homosexualité malgré lui, il est la honte de son père, rejet de son milieu social. Il est déjà jugé, condamné, perdu.
Dès l'âge de dix ans il fut initié à la sodomie par son cousin de quinze ans et deux autres de ses copains d'école. Ils furent surpris par sa mère. Le drame prenait de l'ampleur.
Un jeune auteur de talent, une écriture émouvante, impressionnante.
Un must à découvrir sans faute pour le sujet et la qualité de l'écriture du jeune auteur.
Gilles Lagrois, Auclair, québec
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" Je devais ne plus me comporter comme je le faisais et l'avais toujours fait jusque-là. Surveiller mes gestes quand je parlais, apprendre à rendre ma voix plus grave, me consacrer à des activités exclusivement masculines. Jouer au football plus souvent. ..
Aujourd'hui je serai un dur... comme on peut faire une prière...je pleure parce que je trouve cette phrase ridicule et hideuse et qui fut au centre de mon existence"
" Devenir un garçon passait nécessairement par les filles."
Pour en savoir davantage:
"De mon enfance je n’ai aucun souvenir heureux. Je ne veux pas dire que jamais, durant cesannées, je n’ai éprouvé de sentiment de bonheur ou de joie. Simplement la souffrance esttotalitaire : tout ce qui n’entre pas dans son système, elle le fait disparaître. Dans le couloir sont apparus deux garçons, le premier, grand, aux cheveux roux, et l’autre, petit, au dosvoûté. Le grand aux cheveux roux a craché Prends ça dans ta gueule.
Le crachat s’est écoulé lentement sur mon visage, jaune et épais, comme ces glaires sonoresqui obstruent la gorge des personnes âgées ou des gens malades, à l’odeur forte etnauséabonde. Les rires aigus, stridents, des deux garçons Regarde il en a plein la gueule ce filsde pute. Il s’écoule de mon œil jusqu’à mes lèvres, jusqu’à entrer dans ma bouche. Je n’ose pasl’essuyer. Je pourrais le faire, il suffirait d’un revers de manche. Il suffirait d’une fraction de seconde, d’un geste minuscule pour que le crachat n’entre pas en contact avec mes lèvres,mais je ne le fais pas, de peur qu’ils se sentent offensés, de peur qu’ils s’énervent encore un peuplus."
" Un sentiment d’impuissance, de perte d’équilibre. J’ai souri – et le mot pédé qui résonnait,explosait dans ma tête, palpitait en moi à la fréquence de mon rythme cardiaque.
J’étais maigre, ils avaient dû estimer ma capacité à me défendre faible, presque nulle. À cet âgemes parents me surnommaient fréquemment Squelette et mon père réitérait sans cesse lesmêmes blagues Tu pourrais passer derrière une affiche sans la décoller. Au village, le poidsétait une caractéristique valorisée. Mon père et mes deux frères étaient obèses, plusieursfemmes de la famille, et l’on disait volontiers Mieux vaut pas se laisser mourir de faim, c’estune bonne maladie."
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