DUPONT-MONOD Clara
LE ROI DISAIT QUE J'ÉTAIS DIABLE, roman, Grasset, 2014, 224 pages
Un roman touchant et intimiste à base historique. Le roi, c'est LOUIS V11 de France et la reine, c'est ALIÉNOR d'Aquitaine. Sa légende de reine libre, conquérante, sorcière par ses agissements, ses machinations, son entourage, ses frasques de reine indépendante.
Un roman remarquable pour la qualité de son écriture, sa façon d'aborder les vies de LOUIS V11 et d'ALIÉNOR d'Aquitaine, leurs confidences, leurs réflexions personnelles sur la vie de chacun en tant que personne et couple royal.
Deux mondes de penser et d'être à découvrir à une époque où la religion domine à la cour des Rois de France au X11ième siècle. L'ère des croisades pour reconquérir Jérusalem et la Terre Sainte.
LOUIS V11 est un être touché par la religion, sa formation initiale de prêtre lui sert de béquille, il puise sa force dans les textes bibliques.. Pour lui la religion et la foi doivent gérer nos vies, peu importe les rôles de chacun.
ALIÉNOR est une femme de haute noblesse, elle est dominante et est davantage une guerrière que le roi, son époux.
Ce roman à deux voix nous implique dans les rôles de chacun par la lecture de leur journal de vie personnelle, leurs pensées intimes, leur souffrance, leurs déceptions de couple avec une vie parallèle.
ALIÉNOR est une femme dominante, une reine dont l'action la fait vivre, de combat, de révolte, de décision.
LOUIS11 un homme pieux avec un caractère de moine même dans les vêtements. Il est souvent dans sa chapelle en prière et en méditation. C'est un homme dont la conduite est dictée par la religion et les lois établies.
Un roman à l'écriture humoristique, colorée, illustrée d'une auteure de grand talent.
Gilles Lagrois, Auclair, Québec
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" J'aime la colère parce qu'elle a toujours quelque chose à révéler.Avec la colère, le paysan devient roi, le puissant se fait pantin."
" Les gens du Nord ont les habits gris, le sourire faible et les mains jointes."
" On me dit jolie, turbulente, ambitieuse, de l'Espagne musulmane que mon AQUITAINE a toujours aimée. "
" Car la vérité m'apparaît: je vais épouser un moine. Moi, la valeureuse, la solitaire, qui tiens le pays dans la main, qui me fais obéir des barons, mate les révoltes, qui assure la richesse de l'AQUITAINE et du POITOU. Moi, la fille de Sud, j'épouse un homme qui récite les PATER NOSTER et se nourrit de pain et d'eau le samedi!
" ..ton château, j'ai senti qu'il était à ton image. Beau, isolé, imprenable. Une forteresse."
" On marie pas impunément le pouvoir et l'innocence."
" On te craint, on t'admire. Les ingérables seigneurs gascons t'obéissent."
" Mon défi, c'est de t'apprivoiser. De m'acclimater à ta terrible famille."
" Je ne suis pas un roi qui ordonne, mais qui répond. Je suis un être de mots."
" Le palais regorge de faibles qui rêvent de puissance."
" Abbé SUGER, qui crois-tu tromper?"
" Donnons-leur tous les droits, nos villes engrossent et rapportent."
" Ce sont des puissants. Des hommes chargés de la régulation d'un monde dont ils sont coupés. Ils ne savenr rien. Alors ils imaginent. Ils écrivent des lois, des règles dans la pénombre de leurs salles. Et ces hommes ont décidé pour moi.
Louis est avec eux. Pour cela, je lui en voudrai jusqu'au dernier jour. Il a sa place dans leurs rangs. LOUIS possède une arme redoutable. L' INNOCENCE. Elle le protège de moi.LOUIS porte un temps que j'ai perdu."
Pour en savoir davantage:
"Depuis le XIIe siècle, Aliénor d’Aquitaine a sa légende. On l’a décrite libre, sorcière, conquérante : « le roi disait que j’étais diable », selon la formule de l’évêque de Tournai…
Clara Dupont-Monod reprend cette figure mythique et invente ses premières années comme reine de France, aux côtés de Louis VII.
Leurs voix alternent pour dessiner le portrait poignant d’une Aliénor ambitieuse, fragile, et le roman d’un amour impossible.
Des noces royales à la seconde croisade, du chant des troubadours au fracas des armes, émerge un Moyen Age lumineux, qui prépare sa mue." www.grasset.fr
RENTRÉE LITTÉRAIRE - Dans son nouveau roman, Clara Dupont-Monod raconte l'union de la sulfureuse souveraine et du pieux Louis VII.
Aliénor d'Aquitaine ne fut pas une mauviette, mais une Mélusine mythique. Clara Dupont-Monod, férue de sujets musclés, nous dépeint la première époque de la vie de son héroïne turbulente aux côtés de Louis VII, plus méditatif. On a beaucoup glosé sur ces deux caractères si opposés. Louis a été arraché à sa vie monacale, il est faible, il a peur. Il n'aime pas la guerre mais le langage de la négociation, il est aux ordres de l'abbé Suger. Aliénor est d'une lignée sulfureuse et solaire qui a défié le pape. Elle adore l'épopée et la poésie, la conquête et les fleurs de style.
Clara Dupont-Monod lui fait dire: «J'aime la guerre car je suis du côté de la vie.» Aliénor nourrit un certain paganisme ondoyant, irrigué de sang. Louis respecte l'ordre du monde et de Dieu. La grande idée de l'auteur est de ne pas avoir évacué Louis VII d'une pichenette. Ce «roi de l'ennui. Ni corps ni passion.»«Une erreur.» Le roman orchestre, au contraire, un contrepoint d'opéra entre les deux visions, la parole de l'un et de l'autre. Leurs chants. Tous deux sont complexes. Louis amoureux amer, rejeté, divisé, sous l'emprise de la belle sorcière belliqueuse, jaloux du troubadour Marcabru qu'elle fait venir de son Sud et qui l'inonde de poèmes transis.
Aliénor aimera finalement Paris, le grouillement, la vitalité. Elle traverse la Grande Boucherie rutilante d'abats et de remugles. Ce dernier mot revient deux fois, olfactif et gustatif, comme engorgé du tumulte des cloaques, des bouges et des bêtes. Car le style est le nerf de ce roman épique, avec ses phrases tranchantes aux capillaires rouges, ses traits drus et fulgurants: «Avec leur basse brutalité, mes barons ont plus de prestance que le roi!», ou quand Aliénor accouche: «On pouvait donc s'ouvrir sans mourir.»www.lefigaro.fr