D'ORMESSON Jean
CASIMIR MÈNE LA GRANDE VIE, roman, Gallimard, 1997, 201 pages
Un roman éblouissant autant par le style que par l'histoire formidable du GROUPE. Ce roman a comme sujet principal, l'ALTRUISME, qui est un élément important dans la vie de l'auteur.l'acceptation de l'autre, des différences. JE SUIS QUI JE SUIS.
Ce roman nous entraîne ailleurs. dans le passé de notre civilisation, dans d'autres époques de l'humanité, d'autres siècles.d'autres continents.
L'auteur imagine un GROUPE qui a comme but premier de rendre service aux humains dans le besoin, de vivre autrement en ignorant le pouvoir, la violence, l'argent.
L'important, l'objectif est d'améliorer le sort des humains, des êtres dans le besoin, de régler les conflits sans violence, sans éclat, sans soumission,
L'imagination joue un rôle capital dans la résolution des problèmes. Résoudre l'obstacle, la difficulté autrement qu'en éliminant la confrontation par l'imagination, la subtilité, la plaisanterie, LE PLAISIR.
Une fable pour adultes qui nous fait comprendre que nous pouvons régler les conflits sans éliminer l'indésirable.
Un grand roman, un auteur de talent par son écriture et sa vison de l'humain.
Gilles Lagrois, Auclair. Québec
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"L'irascible vieillard faisait de son mieux pour m'aider. Il croyait se rappeler que les jeunes gens ont à faire des études."
"Mon grand-père appartient à une famille très ancienne. Une famille qui traverse les siècles, les régimes, les guerres, les révolutions."
"Des jours entiers et des nuits, mon grand-père me racontait la famille.L'histoire était remontée comme une horlogerie suisse."
"Mon grand-père aimait le passé. Moi..le préférais les filles, et les baiser.Je venais d'avoir seize ans. "
"Ce que je voulais faire ? Rien du tout, tête de lard. Mon avenir me faisait horreur."
" Mes parents s'étaient tués ensemble, en voiture. J'étais derrière, dans la voiture, attaché à mon siège. J'avais huit mois."
"La psychologie m'assommait, la logique m'assommait, la morale m'assommait."
"Mon grand-père c'était la fureur contre son temps. La vertu d'indignation. Tout l'indignait."
"ÉRIC et LAILA entrèrent dans la société bourgeoise par la cuisine du même nom."
"Ce qui nous unissait c'était l'amitié. C'était aussi le mécontentement...sentiment dominant de notre temps. Les gens ne sont pas heureux. Ils se plaignent. Ils ont peur."
" Ils créent des problèmes qui n'existent pas au lieu de résoudre ceux qui existent."
"Le GROUPE est une organisation révolutionnaire secrète. Il lutte pour plus de justice contre une société sans principes."
"Le GROUPE n'a ni statuts, ni chef, ni règles, ni appareil directeur, ni organisation administrative. Il est indépendant de toute attache. Il respecte les opinions et croyances diverses."
" Le GROUPE était né par accident. Il se développait par erreur. Il était devenu une association de bienfaiteurs par la force des choses... une milice privée, un commando parallèle."
Pour en savoir davantage:
Une aventure qui occulte la réflexion
Casimir, orphelin, est élevé par son grand-père. Casimir aime bien cet être charmant, irascible, gueulard, râleur et indigné. Leur cohabitation se déroule très bien, car Casimir n'est pas non plus à sa place dans la société :
" De temps en temps, à la maison, un imbécile bénévole me demandait ce que je voulais faire lorsque je serai grand. J'étais déjà assez grand : j'avais un mètre quatre-vingt-neuf. Je le regardais avec fureur. Ce que je voulais faire? Rien du tout, tête de lard. J'avais plutôt envie de mourir. Et, à défaut, de baiser. Baiser est la plus jolie des façons de mourir.
Mon avenir me faisait horreur. Il tourmentait mon grand-père."
Malgré cet extrait, il ne faut pas croire que le livre tourne en récit de débauche. Certains amis : un membre de l'Académie, Éric, un jeune trotskiste, et sa compagne Leila, se joignent régulièrement à l'irascible vieillard et à Casimir lors de soirées de discussions animées. Le groupe est indigné de l'injustice qui prévaut dans la société, et décide de fonder... le Groupe, dans le but de combattre les iniquités.
Leur action se limite d'abord à quelques protestations, mais elle évolue en coups d'éclat de casseurs socialement responsables, jusqu'à se transformer en activités d'une petite armée organisée. Le Groupe cherche toujours à faire triompher la justice et la vérité, sans s'affilier à aucune politique, quitte à réparer leurs erreurs lorsqu'ils commettent des bourdes. Sur son lit de mort, l'irascible vieillard exprime sa dernière volonté à Casimir :
" - Tu l'écriras, me dit d'une voix basse l'implacable vieillard. Tu emmerderas tout le monde et tu écriras l'histoire du Groupe. Ce sera un succès énorme. La vérité et la justice en sortiront renforcées et je saurai, d'où je serai, que je n'ai pas vécu pour rien."
" - Et une fois que je les ai écrites, grand-père, qu'est-ce que je fais de mes deux cent pages?
- Tu les envoies à un connard. À un confrère du Membre [de l'Académie, tel Jean d'Ormesson]. À un de ces penseurs qui font les mariolles dans la littérature. N'importe lequel fera l'affaire."
Le début du livre me captivait, j'aimais la complicité entre les deux êtres rebelles que deux générations séparent, une sorte de "La vie devant soi" destroy. Toutefois, après la fondation du Groupe, le livre se transforme en roman d'aventure rocambolesque. Il y a toujours discussions sur les injustices du monde, mais l'intrigue se concentre sur la planification des prochaines actions.
On assiste au glissement d'un groupuscule intellectuel en bande de casseurs, puis en armée de mercenaires, mais la réflexion sur ce sujet est bien dissimulée dans le récit des actions du groupe. Le ton demeure satirique, de nombreux passages font sourire et réfléchir, mais l'aventure me semblait occulter le second degré.
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