ENTREZ DANS LA DANSE, 2018, 153 pages
Cinquante-quatre ans plus tard, c'est la Saint-Barthélemy. Chronique alsacienne, 1519
Un roman à base historique, LES DANSEURS FOUS DE STRASBOURG.
Je me demande encore si ce fait historique est authentique tant il est frivole, audacieux et coquin.
C'est une maladie qui touche spécialement le peuple, les artisans, les pauvres, les démunis pendant une période de sécheresse. C'est la déchéance et les abus de folie collective. Les bourgeois, les riches et l'épiscopat catholique ont des réserves alimentaires et des fortunes qui leur permettent d'être à l'abri de cette épidémie historique.
Un sujet qui permet à l'auteur de s'éclater et de nous faire sourire car son écriture est contemporaine avec ses expressions modernes.
Gilles LAGROIS, Auclair, Québec
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« Rue du Jeu-des-Enfants, une femme sort d'une maison avec le sien dans les bras. Elle est blonde. Au milieu de cette passerelle, elle s'arrête et jette l'enfant dans la rivière. Sa génitrice se retourne. Tout est dit pour elle. »
« Chez-nous, on en est à mâcher nos feuilles de papier destinées au gravures que, de toute façon nous ne vendrons pas. On ronge la réserve comme des rats. »
« Le maire de Strasbourg en nage. À l'intérieur des fortifications la peste va son train. Depuis janvier, côté épidémies nous sommes servis. Mais quelle année 1518, pile celle de mon mandat! »
« Ils s'étonnent de la capacité d'endurance même chez les plus chétifs qui dansent à n'en plus pouvoir. »
« ENNELINE! Elle mène une sarabande à damner à tous saints, cette sorcière! »
« ... là où ça sautille, gambade et lance sa cavalière si haut qu'on voit ses jambes sans parler d'autre chose, le bas-ventre des danseurs enfle. »
« L'argent rend arrogant. »
« De l'éducation, ils en ont moins que des veaux mais se révèlent sensibles à la contagion. »
« Nous n'avons pas affaire à une crise d'épidémie collective. Ces gens souffrent. Mais alors que pourrait être la raison de cette épidémie?
« La pléthore du clergé m'écoeure! Je suis écoeuré, dégoûté de le voir se repaître des brebis qu'il est censé protéger. »
« À observer chez nous la foi catholique se vautrer dans la honte. »
« Ils ont perdu toute pudeur. Détresse émotionnelle sévère livrée aux vagues déchaînées de leur corps, ils souffrent ensemble le pire qu'on puisse souffrir.. »
« Le paradis s'achète quand on y met le prix. »
Pour en savoir davantage :
Résumé :
Une étrange épidémie a eu lieu dernièrement
Et s'est répandue dans Strasbourg
De telle sorte que, dans leur folie,
Beaucoup se mirent à danser
Et ne cessèrent jour et nuit, pendant deux mois
Sans interruption,
Jusqu'à tomber inconscients.
Beaucoup sont morts.
UN LECTEUR :
« Il faut qu'un livre fasse rire, peur, bander »*
Jean Teulé refait encore une fois l'histoire, à sa manière décalée, délirante, débridée.
Il n'y a que lui pour imaginer une danse macabre dans des temps d'épidémies et de famine qui induisent infanticides et cannibalisme. Folie et sorcellerie virevoltent en sarabande contagieuse, mettant les édiles de la ville sous pression, et l'évêque en état d'Inquisition, agrippé à ses richesses.
Le décor du Strasbourg de 1518 est planté, guère éloigné de la réalité du temps (difficultés climatiques, disettes, émergence de la doctrine de Luther, peur de l'invasion turque) et cette fameuse farandole a bien été documentée par l'Histoire.
On plonge en plein Teulé: ça pue, ça grivoise, ça perd fluides et humeurs corporelles. C'est scatologiquement repoussant! L'auteur s'est lâché comme jamais dans le sordide tout en produisant une charge satirique décomplexée envers l'Eglise et le pouvoir civil. Mieux vaut se boucher le nez et prendre cette gaudriole comme elle vient.
On retrouve la plume inimitable de l'auteur, alliant vieux langage populaire et humour/sarcasme d'argot contemporain, un anachronisme amusant et vivifiant qu'il maîtrise parfaitement. Se nichent même parfois au sein de la prose des pieds d'alexandrins.
Si on sait à quoi s'attendre avec la bibliographie du plus irrévérencieux des auteurs, cette dernière fantaisie jubilatoire de « l'historien » Teulé est donc de bonne facture, déjantée et lyrique. Un plaisant moment littéraire qu'il ne faut pas prendre au sérieux mais que j'hésite pourtant à recommander car « ça passe ou ça casse »...
* Propos de Jean Teulé / Journal le Soir du 19 février 2018. » www.babelio.com