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BEAULNE Paul---BANC D'ESSAI
16/06/2012 22:35
BEAULNE Paul
BANC D’ESSAI, Éd. Vents d’Ouest inc., 2003, 163 pages
Bon roman dont l’action se déroule dans la ville de Québec. Le principal sujet est la vie quotidienne de marginaux tels un schizophrène, de vagabonds de la rue hommes et femmes pour la plupart des jeunes qui profitent du beau temps et de la rue pour y vivre librement. Le style poétique du roman est admirable, agréable et bienséant. L’histoire de ces êtres à la recherche d’un but dans la vie est touchante et rendue authentique sous la plume talentueuse de l’auteur.On y retrouve plusieurs citations de textes d’auteurs-compositeurs Québécois engagés socialement et politiquement.On apprend à découvrir la ville de Québec dans ses recoins par tous les déplacements de cette bande vagabonde.Un roman d’une portée sociale et culturelle évidente.
« Quand la littérature s’urbanise : drogues, prostitution, violence »www.erudit.org/culture
Gilles Lagrois, Auclair, Québec
Pour en savoir davantage :
« Cris. Ça crie à l'intérieur de Simon. Ça crie vengeance. Ça crie à l'impuissance. La marche est presque une course. Devant le cimetière Saint-Matthieu, il ralentit le pas. Le cimetière qui est un parc. Le parc-cimetière. Un banc devant le mur de pierres du parc-cimetière. Le banc. Près de l'église. L'église qui est une bibliothèque. L'église-bibliothèque. Le banc. C'est son coin à lui. Un espace de planète où il se sent à l'abri. Chez lui. Les passants sont des visiteurs qui traversent sa zone. Il sait recevoir. Dans ce monde, on accueille les visiteurs poliment. On tend la main. Bien souvent en chantant. Les gens donnent ce qu'ils veulent. Bien souvent rien. Mais on garde le sourire. Bien souvent, mais pas toujours. Quelquefois la hargne. Quelquefois l'ennui. p. 12
Résumé
« Simon sort à peine du centre d’accueil. Pour quelques dollars, il a mis sa guitare en gages. Il chante, rue Saint-Jean, à Québec. Pour gagner sa vie. Pour la vivre aussi. Il fréquente Bernard, un schizophrène d’une quarantaine d’années, qui s’est isolé et muré dans le silence depuis bien longtemps.
Ils se rencontrent souvent sur un banc. Leur banc. Et Simon chante, par cœur. L’histoire se déroule entre les lignes des chansons. Comme dans nos vies, un air ou un refrain se posent d’eux-mêmes sur chaque événement. Il en faut, de cette musique, pour atténuer le mal de vivre de ces êtres que les autres ne regardent plus.
Banc d’essai est un roman qui nous fait entrer dans le monde des marginaux, des exclus, des rejetés. L’auteur a le don d’entrer dans la douleur et la souffrance de ses personnages, sans tirer sur les ficelles, toujours avec justesse et compréhension, avec une grande maîtrise des mots et des images, dans l’invention d’une phrase qui ne cesse chaque fois de nous surprendre. » www.renaud-bray.com
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MARTÌNEZ Guillermo ---LA VÉRITÉ SUR GUSTAVO RODERER
17/06/2012 13:18
MARTÌNEZ Guillermo
LA VÉRITÉ SUR GUSTAVO RODERER, NIL ÉDITIONS, 2011, 121 pages
Roman sur l’intelligence mathématique donc un duel entre deux étudiants qui deviennent néanmoins amis, à savoir qui aura des éléments de réponse pouvant convaincre l’autre de sa compétence intellectuelle sur un sujet précis à savoir quelle est la science la plus représentative de l’intelligence humaine, la philosophie ou la mathématique.
Ce que j’ai aimé dans ce roman c’est la vie familiale de chacun qui me permet de poser la question suivante : » Le plus important est le bonheur ou la connaissance ?
Gilles Lagrois, Auclair, Québec
Extraits : « …les diverses formes de l’intelligence pouvaient se réduire à deux formes principales : la première, l’intelligence assimilative, celle qui agit comme une éponge et absorbe immédiatement tout ce qui s’offre à elle, qui avance, confiante, et trouve naturelles, évidentes, les relations et analogies établies auparavant par d’autres, qui est en harmonie avec le monde et se sent dans son élément que que soit le domaine de la pensée.
…ce genre d’intelligence ne se différencie qu’en termes quantitatifs des facultées normales de tout individu, il s’agit seulement d’une accentuation du sens commun : plus de rapidité, un esprit plus pénétrant, plus d’habileté dans les opérations d’analyse et de synthèse. C’est l’intelligence des « talentueux » ou « capables » qui se comptent par milliers. C’est l’intelligence qui s’accommode le mieux de la vie, celle des grands savants et humanistes….pages 37-38
Pour en savoir davantage :
« Dans un bourg endormi d’Argentine, deux adolescents nouent une curieuse relation. Ils possèdent des facultés intellectuelles très supérieures à la moyenne, et le seul moteur de leur amitié est la compétition. Mais si le narrateur veut surtout se confronter à la réalité et conquérir sa place au soleil, Gustavo Roderer est un génie dévoré par une quête extraordinaire : l’élaboration d’une philosophie révolutionnaire. Cloítré chez lui, flirtant avec les drogues et maniant des idées destructrices, il cherche à repousser les limites de sa réflexion. Agacé et fasciné, son ami s’acharne à lui démontré l’inanité de ses questionnements. Ces deux brillantes intelligences s’affrontent en une lutte qui finit par devenir une question de vie ou de mort.
D’inspiration borgésienne, ce premier roman encore inédit en France mélange avec virtuosité suspense et métaphysique.
Né en 1962 à Buenos Aires, docteur en mathématiques, Guillermo Martínez a publié La mort lente de Luciana B. et Mathématique du crime.
Mon avis par une lectrice :
Je l’ai lu hier soir et j’avoue que tout cela me pose plein de questions. J’ai compris ce roman comme un roman de dualité et qui faisait écho aux questionnements du mathématicien Guillermo Martínez. L’auteur Guillermo Martínez met en scène deux personnages : le narrateur et le fameux Gustavo Roderer. Les deux n’ont pas la même intelligence (voir extrait ci-dessous) : un à une intelligence qui lui permet d’apprendre vite ceux que d’autres mettent longtemps à comprendre, de réutiliser, d’améliorer les choses, c’est une intelligence qui s’insère dans la vie réelle, l’autre a une intelligence de sensation : il lui manque quelque chose pour profiter de sa tête, quelque chose qu’il se propose de chercher sans répits. Je ne crois pas que l’on puisse être l’un ou l’autre. C’est pour ça que j’ai pensé que finalement c’était un peu deux côtés d’un même personnage. Entre Gustavo et le narrateur va naître à mon avis une sorte d’émulation, chacun essayant d’expliquer sa vision du monde, car ici c’est bien de ce dont il s’agit. Je n’ai pas réussi à voir s’il s’agissait d’en imposer l’une par rapport à l’autre ou de les concilier. C’est la première dualité dont parle le livre.
Ensuite le narrateur décide d’étudier les mathématiques à l’université alors qu’il souhaitait plus se consacrer aux humanités. En cela, il suit les conseils de Gustavo. Il n’étudiera pas n’importe quelle branche des mathématiques mais celle de la logique. Ce qu’il faut voir, c’est qu’en mathématiques appliquées, finalement, le but c’est de modéliser une situation réelle en la rendant abstraite vis à vis de certaines contingences. En général, on se pose la question de à quoi servent et à quoi serviront nos travaux. Les mathématiques pures, et principalement la logique à mon avis, c’est autre chose : on créé une nouvelle manière de penser, une nouvelle manière de voir les choses. On est dans l’abstraction pure.
En général, ce sont souvent les logiciens qui ont besoin de devenir philosophe parce qu’ils ont besoin de se raccrocher à la vie. Et c’est ce qui passe ici. Finalement, Gustavo qui est en train de créer son système philosophique a besoin de se raccrocher au monde et cela passera par les mathématiques et inversement. Gustavo et le narrateur vont essayer de raccrocher leurs wagons. Cela passe en particulier par la démonstration d’un théorème (du mathématicien Seldom, clin d’œil au professeur du livre Mathématique du crime, clin d’œil pour nous lecteur français pour les autres c’était dans l’autre sens). Ce théorème établit “fondamentalement”, “l’insuffisance de tous les systèmes connus jusqu’à maintenant”. Il parle de système mathématique comme philosophique (c’est mieux expliquer dans le livre).
Et c’est là que tout se complique, la vie de Gustavo doit-elle s’écrouler car vaine ou est-ce que c’est la vie du narrateur qui finalement quoi qu’il fasse n’arrivera à rien créer qui puisse tout expliquer. Finalement, chacun des deux s’en sort puisque le narrateur fera des compromissions et arrivera à vivre réellement. Gustavo lui expliquera que le théorème n’envisage que les cas de dualité, c’est oui ou c’est non, que les systèmes philosophiques passés n’envisagent que ces ces cas de dualité suite à des approximations. Il dira que son système à lui envisage une troisième voie. Sauf que moi, j’avais lu tout le livre en pensant que deux choses, deux manières de penser s’opposait et que toute la construction du livre était basée sur cette dualité. Je me suis dis que j’avais loupé quelque chose. À cela, l’auteur ajoute une allusion à la nouvelle d’Henry James, L’image dans le tapis, où l’auteur se moquait du critique qui cherchait un sens à l’œuvre de l’autre et me voilà toute pensive.
La fin m’a elle laissé encore plus perplexe parce que je n’ai pas réussi à comprendre si l’auteur avait une voie ou une autre parce que finalement tout le monde est parti d’Argentine.
Extrait
Puis il déclara que les diverses formes de l’intelligence pouvaient se réduire à deux formes principales : la première, l’intelligence assimilative, celle qui agit comme une éponge et absorbe immédiatement tout ce qui s’offre à elle, qui avance, confiante, et trouve naturelles, évidentes, les relations et analogies établies auparavant par d’autres, qui est en harmonie avec le monde et se sent dans son élément quel que soit le domaine de la pensée.
[...]
Ce genre d’intelligence ne se différencie qu’en termes quantitatifs des facultés normales de tout individu, il s’agit seulement d’une accentuation du sens commun : plus de rapidité, un esprit plus pénétrant, plus d’habileté dans les opérations d’analyse et de synthèse. C’est l’intelligence des “talentueux”, ou “capables”, qui se comptent par milliers. [...] C’est l’intelligence qui s’accommode le mieux de la vie, et c’est aussi somme toute celle des grands savants et des humanistes. Elle ne recèle que deux dangers : l’ennui et la dispersion. La vanité l’incite à aborder tous les domaines, et l’excès de facilité, on le sait bien, finit par lasser.
[...]
Quant à l’autre forme d’intelligence, elle est beaucoup plus rare, plus difficile à rencontrer : elle trouve étranges et souvent hostiles les enchaînements de la raison, les arguments les plus habituels, ce qui est su et prouvé. Rien, pour elle, n’est “naturel”, elle n’assimile rien sans éprouver en même temps une certaine réaction de rejet : “C’est écrit , d’accord, se plaint-elle et pourtant ce n’est pas comme ça, ce n’est pas ça.” Et ce rejet est parfois si brutal, si paralysant, que cette intelligence court le risque de passer pour de l’aboulie et de la stupidité. Deux dangers la guettent aussi, beaucoup plus terribles : la folie et le suicide. Comment surmonter cette douloureuse remise en cause de tout, cette sensation d’être étranger au monde, ce regard n’enregistrant qu’insuffisances et lacunes das tous les liens que les autres estiment nécessaires ? Quelques-uns y parviennent néanmoins, et alors le monde assiste aux révélations les plus prodigieuses, et l’exilé de tout enseigne aux hommes à avoir un regard neuf, un regard à leur façon. Ils sont peu, très peu ; l’humanité les accueille à bras ouverts et les appelle génies. Les autres, ceux qui se perdent en route…, murmura-t-il pour lui-même, ne trouvent pas leur place au soleil. (pp. 37-39)” www.cecile.ch-baudry.com
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MALKA Francis---LE JARDINIER DE MONSIEUR CHAOS
19/06/2012 12:37
MALKA Francis
LE JARDINIER DE MONSIEUR CHAOS, Hurtubise, 2010, 180 pages
Roman très touchant dont le sujet est la possibilité de mourir dans la dignité et au moment choisi par soi-même. De plus on peut choisir d’être enterré sur son terrain privié ou sur un terrain de la municipalité et tout cela avec l’aide d’un médecin spécialiste et de son jardinier. Beaucoup de connaisssances sur le jardinage, les parfums tout cela grâce aux talents d’horticulteur, de parfumeur et de généticien et même de croque-mort du jardinier.
Roman avec un style d’écriture poétique, humaniste et touchant.
Gilles Lagrois, Auclair, Québec
Citation : « Les nouveaux gènes que nous avions insérés dans le noyau de la bactérie devaient alors permetre à celle-ci de synthétiser des protéines qui viendraient à leur tour assembler ces fragments de molécules en composés aromatiques, recréant du même coup le parfum des fleurs de troène. » p. 65
Pour en savoir davantage :
«Voilà déjà plusieurs années que vous tentez d’élucider la disparition de nombreux habitants de ce village. Sont-ils partis? Sont-ils morts? Étrangement, les gens à qui vous adressez la parole esquivent poliment vos questions. D’où provient ce parfum de rose qui emplit soudainement l’air? Il n’y a pourtant aucune fleur en vue.
Et comment expliquer ces effluves de tulipe en novembre? Çà et là, au hasard de vos pas, d’autres parfums intenses viennent titiller vos narines. Vous jetez un coup d’œil derrière vous: vous êtes pourtant seul. Vous voici maintenant au centre de la place, devant la statue de M. Lacroix, dont la femme est d’ailleurs l’une des disparues que vous recherchez sans succès. Ne ressentez-vous pas une présence étrange? Sans pouvoir dire exactement pourquoi, vous croyez que ce jardinier, qui s’affaire à réaménager le jardin de M. Chaos, connaît la réponse à toutes ces questions ». www.livresquebecois.com
Mon commentaire:par un lecteur
« Voilà un roman original, autant dans la forme que le fond. L'auteur, Francis Malka, maîtrise parfaitement son sujet et nous offre, à travers 58 courts chapitres, une histoire captivante! Le narrateur (qui est le jardinier du titre) s'adresse directement à nous, lecteurs, qui devenons, le temps du roman, un enquêteur de la division des crimes contre la personne.
Le jardinier lui parle, explique son histoire. La trame est ingénieuse. Le roman, un petit conte macabre et quelque peu pervers est rempli à la fois d'humour noir et d'une grande humanité. Au lecteur de le percevoir d'une façon ou d'une autre. Les chapitres traitant de biologie et de génétique sont passionnants, sans devenir lourds, l'auteur se contentant de l'essentiel pour mener à bien son histoire. À noter qu'il s'agit du premier roman de Francis Maska (qui oeuvre normalement en informatique). On ne peut que souhaiter qu'il reprenne la plume à nouveau!
Le jardinier de Monsieur Chaos est un excellent roman. Après cette lecture, on regarde les jardins, publics comme privés, d'un autre oeil...
Quelques extraits:
"L'homme commence en réalité à mourir au moment où il réalise que le temps lui a joué un tour et que ses accomplissements sont derrière lui. Quelle illusion que le temps! Nous pensons être assis sur le rivage à le regarder passer alors qu'il est en fait immobile et que c'est nous qui passons." p.43
"Toute quête ne peut débuter que par la connaissance de l'ignorance." p.124
www.biblioallie.canalblog.com
« Vous voici maintenant au centre de la place, devant la statue de M. Lacroix, dont la femme est d'ailleurs l'une des disparues que vous recherchez sans succès. Ne ressentez-vous pas une présence étrange?
Sans pouvoir dire pourquoi, vous croyez que ce jardinier, qui s'affaire à réaménager le jardin de M. Chaos, connaît la réponse à toutes ces questions."
Commentaire d’une lectrice :
«Le narrateur du roman est le fameux jardinier, qui s’adresse à la fois à nous et à un inspecteur de police. En effet, dans ce petit village de quelques milliers d’âmes, les disparitions semblent anormalement fréquentes et il semble y avoir des massifs floraux fantômes un peu partout. Et bizarrement, personne ne semble s’en inquiéter.
Passionné de jardinage et d’horticulture, il est engagé par Monsieur Chaos, un mystérieux médecin qui souhaite qu’il aménage le jardin de sa nouvelle demeure. Sauf que, comme il le mentionne assez rapidement, le jardin ne sera jamais fini car un nouveau projet lui sera rapidement confié. Un projet qui défie un peu la morale mais qui nous semble aussi étonnamment humain.
Nous suivrons donc le jardinier et Monsieur Chaos à travers leurs expérimentations sur les odeurs et la biochimie. C’est un peu grinçant, un peu macabre mais par ailleurs assez zen comme histoire. Oui, je sais, c’est paradoxal mais ce sont quand même deux impressions qui ont cohabité en moi tout au long du roman. J’en suis venue à trouver l’anormal presque charitable. Pas de gros suspense ici, pas d'enquête policière haletante, mais une bizarre de fable racontée par un personnage assez spécial lui-même!
Une bonne surprise, donc! » www.moncoindelecture.com
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DUGAIN Marc---L'AVENUE DES GÉANTS
23/06/2012 18:22
DUGAIN Marc
AVENUE DES GÉANTS, Gallimard, 2012, 361 pages
Roman du genre grands frissons très bien construit, un style très prenant et touchant par son expression intime. Un personnage authentique d’un grand réalisme par sa connaissance de lui, l’acceptation de sa condition convainquante et intense par sa réflexion intérieure. Un grand roman par un grand auteur dans ce genre caractéristique.
Gilles Lagrois, Auclair, Québec
Pour en savoir davantage :
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« Marc Dugain s'est inspiré de l'histoire de Edmund Kemper, un tueur en série américain. Un roman percutant et perturbant.

En 1959, l'Américain Robert Bloch publiait Psycho, l'histoire de Norman Bates, un garçon très perturbé après avoir proprement dessoudé et empaillé sa mère abusive. Trente ans plus tard, Bret Easton Ellis créait un séisme de forte intensité en publiant American Psycho, récit des exploits d'un golden boy massacreur misogyne nommé Patrick Bateman. Encore trente plus tard, alors que les serial killers n'intéressent plus que les séries télé américaines, Marc Dugain s'en empare. Ce qui n'est pas illogique au vu de son parcours: de La Chambre des officiers (1998) à Une exécution ordinaire (2007), en passant par La Malédiction d'Edgar (2005), il s'est toujours passionné pour les monstres.
Aujourd'hui, il se met dans la tête du plus grand d'entre eux, Edmund Kemper, 2,10 m pour 130 kg, enfermé à vie pour le meurtre d'au moins huit personnes dont ses grands-parents paternels. Et celui de sa mère, dont les policiers ont retrouvé en avril 1973 la tête posée sur la cheminée de sa maison piquée de fléchettes. Le détail des exactions du géant n'est pas racontable. Des livres et des films ont été tirés des aveux de ce garçon bavard dont le QI serait supérieur à celui d'Einstein
Dans Avenue des géants, très beau titre pour un sujet laid, Ed Kemper est devenu Al Kenner. Il mesure 2,20 m mais, dans les grandes lignes, le roman est fidèle à l'histoire réelle. Un gamin traumatisé par le divorce de ses parents et les mauvais traitements infligés par sa mère déséquilibrée. Un garçon qui a pris l'habitude de décapiter les animaux et a connu son premier orgasme dans une fête foraine en voyant une belle blonde tuée par une fausse guillotine. Après avoir passé cinq ans en hôpital psychiatrique, Al sera décrété «sain d'esprit» et libéré. Il voudra s'engager dans l'armée, comme papa, ex-membre des forces spéciales - mais sa taille sera un motif de rejet. Entre deux virées à moto sur les routes de Californie, ses seuls moments de bonheur, Al jouera les conseillers-profileurs pour le chef de la Crim de Santa Cruz, qui s'appelle Duigan (anagramme de Dugain) et lui confie sa fille…
L'ogre des contes de fées
Décidément, Dugain a le chic pour trouver des sujets chocs. Et les détourner. Ici, plus que l'histoire d'un détraqué, c'est l'autopsie d'une Amérique des années 1960-1970 en pleine révolution qui le fascine. Cette époque bizarre où le meurtre est légal au Vietnam et où ceux qui reviennent de l'enfer sont brisés, suicidaires ou dangereux. Al, lui, se pense du côté de l'ordre. Il vomit les hippies, les chevelus, les filles riches et criardes comme maman. Sa mère le traitait d'éléphant de mer et de tapette. Il l'a entendue dire: «Je suis la première femme à avoir fait une fausse couche menée à son terme.» On a l'habitude de dire que le tueur en série moyen est M. Tout-le-Monde, le voisin d'à côté. Ici, c'est l'ogre des contes de fées. Mais le surdoué Dugain évite le Grand-Guignol et on suit son géant avec, en tête, Jim Morrison qui fredonne: «There's a killer on the road»…
«Avenue des géants», de Marc Dugain,Gallimard,361pages
www.lefigaro.fr
« Marc Dugain s’applique à décrire la figure du mal quand elle s’incarne dans un tueur en série et à comprendre le cheminement d'un homme confronté à des circonstances - enfance, famille, éducation, société - qui l'enferment et le conduisent tout droit à la folie. Avenue des Géants est aussi un hymne à la route, aux grands espaces, aux mouvements hippies, dans cette société américaine des années 60 en plein bouleversement, où le pacifisme s'invite dans les décombres de la guerre du Vietnam.
Style tragi-comique et construction complexe. On connaît le déroulement des faits, mais tout reste saisissant. Ça se passe ailleurs. Plongée dans la psychologie d’un tueur, tableau de l’Amérique des années 1960-1970, hommage littéraire à la route, analyse des névroses familiales, explosion des genres. (...) Avenue des Géants est un roman subtil et fort. Une histoire et une réflexion.
JDD - Marie-Laure Delorme
Une étonnante et passionnante fiction, dans laquelle le romancier se glisse dans la peau d'un serial killer américain, tout en réussissant la gageure de ne consacrer qu'une poignée de pages à ses nombreux meurtres. Aucune hémoglobine dans ce faux thriller, pas d'exhibitionnisme ni de détails hallucinants, mais une bonne dose de suspense, alors même que la culpabilité du héros est connue dès l'ouverture. La véritable intrigue n'est autre que la personnalité du tueur lui-même.
L'Express - Marianne Payot
www.enfinlivre.blog.lemonde.fr
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BOUCHARD Serge---C'ÉTAIT AU TEMPS DES MAMMOUTHS LAINEUX
26/06/2012 01:56
BOUCHARD Serge
C’ÉTAIT AU TEMPS DES MAMMOUTHS LAINEUX, Boeéal, 2012, 221 pages
Un livre très intéressant à lire par les sujets énoncés, le discours direct de l’auteur, ses connaissances des humains de tous les continents, ses audaces d’écriture et de propos toujours à point et utilisés avec humour.
Un livre à relire, à faire circuler. L’auteur est anthropologue, philosophe, humaniste, environnementaliste, enseignant, un homme aux multiples talents qui ont toujours pour but de mieux se rapprocher et de connaître l’homme comme être planétaire. Un grand livre qui devient vite un inséparable.
Gilles Lagrois, Auclair, Québec
Pour en savoir davantage :
« Je suis un grand-père du temps des mammouths laineux, je suis d’une race lourde et lente, éteinte depuis longtemps. Et c’est miracle que je puisse encore parler la même langue que vous, apercevoir vos beaux yeux écarquillés et vos minois surpris, votre étonnement devant pareilles révélations. Cela a existé, un temps passé où rien ne se passait. Nous avons cheminé quand même à travers nos propres miroirs.
Dans notre monde où l’imagerie était faible, l’imaginaire était puissant. Je me revois jeune, je revois le grand ciel bleu au-delà des réservoirs d’essence de la Shell, je me souviens de mon amour des orages et du vent, de mon amour des chiens, de la vie et de l’hiver. Et nous pensions alors que nos mains étaient faites pour prendre, que nos jambes étaient faites pour courir, que nos bouches étaient faites pour parler. Nous ne pouvions pas savoir que nous faisions fausse route et que l’avenir allait tout redresser.
Sur les genoux de mon père, quand il prenait deux secondes pour se rassurer et s’assurer de notre existence, je regardais les volutes de fumée de sa cigarette lui sortir de la bouche, par nuages compacts et ourlés. Cela sentait bon. Il nous contait un ou deux mensonges merveilleux, des mensonges dont je me rappelle encore les tenants et ficelles. Puis il reprenait la route, avec sa gueule d’acteur américain, en nous disant que nous étions forts, que nous étions neufs, et qu’il ne fallait croire qu’en nous-mêmes. »
www.archambault.ca
« Je suis un grand-père du temps des mammouths laineux, je suis d’une race lourde et lente, éteinte depuis longtemps. Et c’est miracle que je puisse encore parler la même langue que vous, apercevoir vos beaux yeux écarquillés et vos minois surpris, votre étonnement devant pareilles révélations. Cela a existé, un temps passé où rien ne se passait. Nous avons cheminé quand même à travers nos propres miroirs. Dans notre monde où l’imagerie était faible, l’imaginaire était puissant. Je me revois jeune, je revois le grand ciel bleu au-delà des réservoirs d’essence de la Shell, je me souviens de mon amour des orages et du vent, de mon amour des chiens, de la vie et de l’hiver. Et nous pensions alors que nos mains étaient faites pour prendre, que nos jambes étaient faites pour courir, que nos bouches étaient faites pour parler. Nous ne pouvions pas savoir que nous faisions fausse route et que l’avenir allait tout redresser.
Sur les genoux de mon père, quand il prenait deux secondes pour se rassurer et s’assurer de notre existence, je regardais les volutes de fumée de sa cigarette lui sortir de la bouche, par nuages compacts et ourlés. Cela sentait bon. Il nous contait un ou deux mensonges merveilleux, des mensonges dont je me rappelle encore les tenants et ficelles. Puis il reprenait la route, avec sa gueule d’acteur américain, en nous disant que nous étions forts, que nous étions neufs, et qu’il ne fallait croire qu’en nous-même.
« Avec sa manière inimitable, sur le ton de la confidence, Serge Bouchard jette un regard sensible et nostalgique sur le chemin parcouru. Son enfance, son métier d’anthropologue, sa fascination pour les cultures autochtones, pour celle des truckers, son amour de l’écriture. »
www.editionsboreal.qc.ca
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> Serge Bouchard célèbre le temps qui passe
Du même auteur

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Le dernier livre de l'anthropologue Serge Bouchard, C'était au temps des mammouths laineux, est constitué de vingt-cinq chroniques d'humeur déjà parues à droite, à gauche entre 2004 et 2011.
Le Soleil, Jean-Marie Villeneuve
(Québec) Il y a des livres qui sont comme des amis.

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« Le dernier livre de l'anthropologue Serge Bouchard, C'était au temps des mammouths laineux, est de ceux-là. Il est constitué de vingt-cinq chroniques d'humeur déjà parues à droite, à gauche entre 2004 et 2011.
Publié par Boréal, ce livre de 323 pages est un florilège. Pour dire le temps qui passe et célébrer le temps qui a passé.
Dès le premier texte, l'auteur donne le ton: «Je suis d'une race lourde et lente, éteinte depuis longtemps.»
Q Serge Bouchard, vous écrivez que dans le monde d'autrefois l'imagerie était faible et l'imaginaire, puissant. Le contraire est-il vrai: dans un monde où l'imagerie est puissante, l'imaginaire est-il faible?
R Les nouvelles technologies font en sorte que nous avons placé l'image devant nous. Nous étions des créateurs de mondes imaginaires et nous ne le sommes plus, nous sommes devenus des consommateurs. On peut tout faire avec un ordinateur, même jouer au hockey... Notre capacité d'imagination pourrait être atrophiée d'ici cinquante ans. En tout cas, je pose la question.
Q Il a beaucoup de nostalgie dans votre livre. La nostalgie est-elle l'apanage de ceux qui vieillissent?
R La nostalgie est inévitable. Et si elle est inévitable, c'est parce qu'elle est humaine. Nous, les humains, nous sommes condamnés à la nostalgie. La nostalgie, c'est simplement regarder le chemin parcouru depuis l'enfance. La nostalgie, c'est un sentiment humain positif.
Q Élevé par une mère agnostique, vous dites ne pas avoir la foi. Que pensez-vous de cette réflexion de Jean d'Ormesson: je n'ai pas la foi, mais j'ai l'espérance?
R C'est oui. Oui, j'ai l'espérance et c'est génial de le dire comme ça. Je ne suis pas un homme désespéré. Je n'ai pas beaucoup réfléchi à la chose religieuse, mais je suis un humaniste prédisposé au bonheur et à l'espérance. Si j'avais à me décrire, je dirais que je suis dans une dimension spirituelle et sacrée comme les Amérindiens.
Q Vous moquant de la manière dont vous étiez habillé à la fin des années 60, vous notez que le ridicule ne tue point mais fait la mode.
R La mode est forcément ridicule. Et ça, le jeune qui est dans l'instant ne le reconnaîtra pas. Le temps, tu n'y échappes pas. Or notre société prétend que le temps ne passe pas. Oui, le ridicule fait la mode.
Q Pourquoi n'aimez-vous pas le drapeau canadien?
R Je ne l'ai jamais aimé, il nous est sorti dans la face sans qu'on sache trop pourquoi. Il est sans âme, sans sens, sans racines. Comme le Canada, finalement. Il est le drapeau d'un pays qui n'existe pas. J'aurais préféré un drapeau blanc tout simple avec une épinette noire au milieu. L'épinette noire de Chibougamau, de l'Abitibi, de la Baie James. Des épinettes noires, il y en a à la grandeur du Canada. Ça, ça nous aurait bien représentés.
Q En vous fondant sur les travaux de Benjamin Lee Whorf et Edward Sapir, vous expliquez qu'on habite une langue. La langue serait-elle un pays?
R La langue que l'on parle fait le pays et structure le réel. La langue est porteuse d'une vision du monde. D'ailleurs, on parle de familles linguistiques. Nous, les Québécois, on serait plus proches des Mexicains que des Albertains. Même si elles le font en français, les nouvelles technologies véhiculent la vision anglophone du monde et c'est pernicieux parce qu'on ne s'en aperçoit pas.
Q Vous affirmez que le Québec se comporte avec les Amérindiens comme le Canada avec les Québécois. Expliquez.
R C'est le même débat, c'est le même cul-de-sac. Aucune société moderne n'a réussi à résoudre l'équation: comment concilier la diversité culturelle. Pour les Canadiens anglais, les francophones sont un épiphénomène, une verrue dans la face. Au Québec, face aux Amérindiens, c'est la même chose. Les Amérindiens parlent une autre langue et veulent des pouvoirs.
Q Que faites-vous de la Paix des Braves avec les Cris dont on vient de fêter le 10e anniversaire?
R C'est vrai, le Québec a évolué là-dessus depuis 1975. Notamment avec René Lévesque. Il y a eu la Paix des Braves et le Québec accepte de parler aux Amérindiens. Le Québec et la Colombie-Britannique sont les deux provinces les plus avancées dans leurs négociations avec eux.
Q J'ai bien aimé cette réflexion: il ne se fait pas assez d'études sur les liens entre le bonheur et les moteurs.
R C'est un aveu, finalement. On est préhistorique quand on dit que le bonheur, ce sont les moteurs. Moi, j'aime les trucks, j'aime les claquements du diesel et l'odeur du fuel. Là se pose la question de l'esthétisme des temps anciens.
Q Vous déplorez que les gens ne savent plus faire la différence entre un bon et un mauvais hamburger. C'est quoi un bon hamburger?
R Un A&W, c'est un bon hamburger. Un McDonald, c'est un mauvais hamburger.
Q Pourquoi écrivez-vous que la vie est affront dont personne n'a jamais su se protéger?
R Ça dit ce que ça dit. La proposition philosophique des pays riches, aujourd'hui, c'est dire que tout est facile. C'est faux! Les Américains ont une formule extraordinaire: shit happens. Quand tu vieillis, le temps te rattrape.
Q La vie serait-elle un passe-temps?
R Ben oui. Entre la naissance et la mort, il faut bien s'occuper. »
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